Par Lou-Marco Crepelle
Après une trilogie d’EP prometteuse étalée sur plus de deux ans, il est enfin tant pour Gen de livrer son premier album Barefoot. Le titre, clin d’œil direct au manga Hadashi no Gen (Gen aux pieds nus) qui lui a inspiré son nom de scène, annonce un dix titres brut et bruyant. Un disque à la direction claire, qu’il défendra sur scène à La Maroquinerie le 5 avril prochain.
En sortant son premier album le 31 janvier, Gen semble avoir pris de bonnes résolutions pour l’année à venir. Celui qui s’est fait connaitre par des cours formats clos un chapitre de sa discographie pour en ouvrir un nouveau, tout aussi excitant et imprévisible.
Avec Barefoot, Gen affine son univers musical
Après les différentes expérimentations qui parsèment la trilogie Dog Day (2022) – Gennifer (2023) – Fidel (2024), on pouvait légitimement se demander quelle serait la direction artistique pour les disques suivants. Et d’un autre côté, cet espèce de laboratoire à ciel ouvert lui correspond plutôt bien.
Sur Barefoot, Gen choisi de garder cet aspect touche-à-tout, avec tout de même une direction encore plus électronique qu’auparavant. On retrouve un mélange brut entre instruments acoustiques et électroniques, une combinaison déjà présente sur la trilogie précédente. Cette patte électronique est encore plus accentuée, avec des sons issus de vieux VST, de vieux synthés comme dans November ou je déteste la musique.
Si les productions paraissent à la fois variées et cohérentes, c’est grâce au talent de San Juliet et Med Banger, deux beatmakers qui accompagnent le rappeur depuis maintenant trois ans. Avec cet album, Gen nous prouve qu’il a définitivement abandonné les productions conventionnelles et les formats bien calibrés pour tracer sa propre route. Ce besoin de casser les normes se ressent dès le titre, « pieds nus », et jusque dans les visuels, à l’image du clip de Comme la roue.
« Mon rap c’est pour les bons les mauvais, mon rap c’est le pont »
Cette absence de barrières, on la ressent également dans l’interprétation de Gen, qui mélange habilement rap et chant. Dans Barefoot, Gen porte un regard critique sur notre société, avec des phases percutantes comme dans Drunk :
Quand on leur coupera la tête, faudra pas tourner la tête
GEN, j’ai vraiment l’mort que Trump ait tourné la têteGen – Drunk
Il parle également d’amour, un thème qui lui tient à cœur depuis Gennifer, comme dans November ou Comme la roue : « Ma meuf, c’est un canon, elle traine un boulet » ; « Je rappe la fleur de peau, elle pleure des bouquets de larmes. Je rappe droit dans ses yeux, avant, elle doutait de oi-m ».
Si Gen évolue souvent en solitaire, il s’entoure parfois d’artistes triés sur le volet, comme en témoigne le seul featuring de l’album. Le rappeur Tuerie, connu pour appartenir au label Foufoune Palace de Luidji, interprète le refrain de Plus rien, un des morceaux les plus marquants dans lequel Gen évoque la mort.
Je ne sens plus rien
J’ai oublié comment on danse depuis qu’t’es dans le cielTuerie – Plus rien
Si ça t’fais du bien, nargue-moi depuis le ciel, regarde-moi pleurer du sel
Regarde comme je rappe bien, quand est-ce que tu r’viens ? Quand est-ce que t’arrêtes le zen ?Gen – Plus rien
Tangerine, dernier titre de l’album, sonne réellement comme un générique de fin, dans lequel Gen dépeint un constat nostalgique et mélancolique sur une mélodie pourtant positive.
J’refais ma Boule Noire, des rayons d’soleil aux intempéries
Refais l’film à l’envers, du iPhone au BlackBerry
La galère, c’est une bactérie, j’arrive pas à guérirGen – Tangerine
Un contraste saisissant, comme si la vie n’était que désillusion. Une idée déjà présente dans de précédents sons, comme sur Fidel, où Gen nous répétait : « j’peux pas m’empêcher de rapper la fin du monde ».
Avec Barefoot, Gen s’émancipe des formats classiques pour embrasser un univers plus libre, comme il le faisait déjà sur ses précédents disques. Un mélange de couplets rappés sur des productions électroniques, c’est ce qui attend les chanceux qui se rendront à La Maroquinerie le 5 avril prochain.