Par Lou-Marco Crepelle
Pendant un entraînement de football en octobre 2023, alors qu’il joue à Annecy, Arthur Pontet subit une commotion cérébrale. Éloigné des terrains, l’Amplepuisien de 23 ans s’est lancé un défi : publier un livre sur la nutrition. Avec plus de 120 recettes, « Les Plaisirs Healthy » fait le pari de concilier une alimentation saine et le plaisir de chaque repas. Il revient pour Le Progrès sur son accident et la naissance de ce projet.

« Le cerveau, ce n’est pas comme un genou sur lequel on peut forcer »
Comment est survenue votre commotion ?
C’est arrivé en octobre 2023 pendant un entraînement avec l’équipe d’Annecy. Après un tacle, l’arrière de mon crâne a tapé le sol. J’étais sonné, mais le choc n’était pas si impressionnant, j’ai même continué l’entraînement. Une fois dans les vestiaires, j’étais toujours dans le flou, avec l’impression d’être lucide mais au ralenti, hors de mon corps. Le lendemain, j’étais complètement bloqué de la nuque, alors le club m’a arrêté pour quelques jours. S’en est suivi une longue période durant laquelle je reprenais l’entraînement, puis m’arrêtais à cause des migraines. Après des examens chez le neurologue et un début de traitement en janvier 2024, j’ai disputé quatre matches en championnat, mais la douleur persistait alors je n’ai pas voulu prendre de risque. Je passé des tests cognitifs, qui ont montré que mon cerveau avait perdu en traitement de l’information, en mémoire et en concentration, alors je n’ai pas repris le foot depuis.
Comment cette blessure vous impacte-t-elle au quotidien ?
J’ai des maux de tête quasi permanents du matin au soir, même sans effort apparent. Conduire était devenu impossible, se concentrer sur un écran me demande encore beaucoup. Chaque stimulation devient une contrainte supplémentaire. À force on s’habitue à la douleur, mais c’est loin d’être une solution pérenne.
Où en êtes-vous actuellement ? Vous avez trouvé des solutions ?
On sait que la commotion a enclenché tout ça, mais on ne sait pas pourquoi je ne récupère pas. Sur ce qui touche le cerveau, personne ne réagit de la même manière. Pour un choc similaire, certains récupèrent en deux semaines, et il y a quelques cas comme moi qui prennent plus de temps. Avec les soignants qui m’accompagnent, j’ai bon espoir de trouver une solution rapidement.
« Personne ne peut me donner la certitude que cela va s’arrêter »
Vous avez encore envie de rejouer au foot ?
Bien sûr, j’ai toujours envie de retrouver les terrains et de vivre mon rêve. Au début, malgré la commotion, je voulais continuer les entraînements et les matches. Le foot faisait partie de mon quotidien depuis plus de treize ans, alors en être privé m’a bien perturbé. Mais j’ai vite compris que le cerveau, ce n’est pas comme un genou ou un ischio sur lequel on peut forcer un peu. Ça impacte la santé globale, et je ne veux pas la sacrifier. Et même si je rejouais aujourd’hui, je ne serais qu’à 20%, ça n’aurait aucun intérêt.
Quelle a été votre première inquiétude ?
Je ne m’attendais pas à ce que ça dure aussi longtemps. Je n’avais jamais été sensibilisé sur ce genre de blessures, donc je ne m’en suis pas soucié au départ. Mais un mois de douleur pour un choc qui paraissant anodin ? J’ai commencé à me demander : quand est-ce que ça va s’arrêter ? Est-ce que je vais devoir vivre avec ça toute ma vie ? J’ai la conviction que non, que l’on va trouver une solution, mais il n’y a personne qui peut me donner la certitude que cela va s’arrêter.
« Plus sensibiliser les joueurs serait déjà un bon point, mais on ne peut pas empêcher les commotions »
Vous avez pu échanger avec d’autres sportifs victimes de blessures similaires ?
J’ai eu l’occasion d’en discuter avec Florent Duparchy qui était gardien de but et qui a dû arrêter à la suite de deux commotions. Il a mis un terme à sa carrière à 23 ans, j’ai le même âge, alors son histoire m’a touché. J’ai aussi pu en parler avec Maxime Gonalons qui a eu une commotion cérébrale à sa toute fin de carrière. Heureusement pour lui, il a récupéré plus vite que Florent ou moi, mais cela montre à quel point ce qui touche au cerveau devient du cas par cas.
Il manque de sensibilisation sur les commotions dans le foot ?
On commence petit à petit à en parler, mais il n’y a rien de concret au niveau des instances. Au rugby, il y a des protocoles à suivre en cas de commotions et beaucoup de préventions. Plus sensibiliser les joueurs serait déjà un bon point, surtout dans le foot, mais on ne peut pas empêcher les commotions en elles-mêmes. En revanche, on peut mettre en place des mesures concrètes pour agir directement après le choc et éviter d’éventuelles complications futures.
« Que ton alimentation soit ta première médecine »
Pourquoi avoir choisi le livre comme moyen d’expression ?
Lorsque je me suis arrêté, il me fallait trouver une échappatoire qui ne demande pas un gros effort physique, et la cuisine s’est imposée naturellement. Au fur et à mesure, j’ai commencé à écrire mes recettes et à les prendre en photo. Je me suis dis que j’allais en faire un livre numérique pour ma famille, mes amis, pour garder un bon souvenir de cette période. Finalement, je me suis mis en tête de le partager à un plus grand nombre, ça me donnait un challenge, une source de motivation. Ayant des connaissances dans l’imprimerie, je me suis dit qu’un livre concret était mieux qu’un e-book. On l’a dans les mains, on peut le feuilleter, l’offrir en cadeau. C’était important pour moi d’avoir un objet physique.
Parler de nutrition pendant cette pause dans le foot, c’était aussi un moyen de rester dans le sport ?
C’est un sujet qui va de pair avec le sport, alors en un sens oui. Je me suis toujours intéressé à la nutrition, pour être en bonne santé en tant qu’humain, mais aussi pour optimiser mes performances en tant que sportif. On a eu quelques interventions à propos de l’alimentation dans les clubs que j’ai côtoyé, mais c’était assez généraliste. Étant curieux, je me suis vite renseigné plus en détails de mon côté. D’ailleurs, je continue à me former pour avoir un certificat qui atteste de mes connaissances.
Ce livre était un moyen de sensibiliser les jeunes sportifs à l’importance de la nutrition ?
Il y a une phrase d’Hippocrate qui dit « que ton alimentation soit ta première médecine. » Alors qu’on soit un futur athlète, un sportif du dimanche ou une personne qui veut prendre soin de sa santé, la nutrition est un point clé. Et grâce à mon expérience, je sais que l’alimentation est primordiale pour tout sportif souhaitant performer, au même titre que l’entraînement.
« On peut manger sainement tout en se faisant plaisir »
Il fallait aussi déconstruire le cliché qu’on ne peut pas se faire plaisir en mangeant sainement ?
Exactement, c’était un objectif au même titre que transmettre mes connaissances. Il y a beaucoup de personne qui mangent sainement, mais qui sont frustrées car elles ne prennent pas de plaisir. Même en tant que sportif, j’ai toujours réussi à concilier une bonne hygiène de vie et une nutrition saine avec le plaisir de manger. C’est cet aspect que j’ai voulu partager.
Quel était le processus pour trouver les recettes du livre ?
J’avais déjà des recettes phares que je cuisinais régulièrement et que j’ai intégré dans le livre. Puis j’ai pris des recettes « classiques » que j’ai revisité, avec mes goûts personnels mais surtout avec une meilleure composition, des proportions différentes, des ingrédients plus sains…
Il y a plus de 120 recettes dans le livre, vous en avez une préférée ?
Tout dépend de l’envie ! (sourire) Une de mes préférées reste le Snickers revisité, c’est une barre chocolatée très appréciée pour son goût, mais la composition n’est pas flatteuse. Et ici, je transforme la recette pour que les gens mangent quelque chose d’aussi bon en bouche, mais avec des ingrédients plus sains. Cela illustre l’idée qu’on peut manger sainement tout en se faisant plaisir.
Que diriez-vous à une personne qui hésiterait à acheter votre livre ?
De nombreux régimes à la mode échouent car ils ne sont pas adaptés au mode de vie de ceux qui l’essaye. Ce livre promeut lui aussi une hygiène de vie saine, mais que l’on peut adapter à ses envies et tenir sur le long terme puisqu’il allie plaisir et équilibre.
« J’aurais pu choisir de ne relever que ce que je perds, mais j’ai préféré trouver du bon »
À 23 ans, quels sont vos projets pour l’avenir ?
Avant tout, j’aimerais retrouver ma santé. Mais une fois cela de côté, je n’ai qu’une envie, c’est de retourner sur les terrains pour faire ce que j’aime le plus. Mais cette période de pause dans le foot m’a permis de développer d’autres aspects que j’ai envie de garder : l’entreprenariat, les investissements, être sur différents projets… Je travaille aussi avec un agent de joueurs, c’est un projet en lequel je crois beaucoup et qui me permet de garder un pied dans le foot. J’espère pouvoir remettre le deuxième pied sur les terrains le plus vite possible, mais en attendant, je sais que j’ai tous ces projets sur lesquels me concentrer.
Vous êtes resté en lien avec le club d’Annecy ?
Je pense que nous avions un projet intéressant, j’étais confiant pour la suite. Je n’étais pas trop présent au club ces derniers-mois, mais je suis toujours en contact avec le staff. Au début, je continuais de faire ma musculation là-bas et d’être au côté des autres joueurs, c’est important de se sentir dans l’équipe malgré tout.
« Être résilient, c’est un mot important pour moi »
Vous gardez un œil très positif et mature sur cette situation pleine d’incertitude…
Je tiens cette force de ma foi et du soutien de ma famille, ces deux éléments ont été déterminantes. J’aurais pu choisir de ne relever que le négatif, ce qu’on m’enlève, ce que je perds, mais j’ai préféré trouver du bon. Cette pause m’a permis d’explorer de nouveaux domaines que je n’aurais pas pu découvrir en restant pleinement investi dans le football. Peut-être que tout cela est arrivé pour une bonne raison, alors je m’adapte et je tire du positif de chaque moment.
Vous avez un message pour ceux qui liraient l’article ?
Il y a du positif dans chaque situation, cela dépend uniquement de comment on décide de les voir. Il ne faut pas avoir peur de s’adapter pour pouvoir aller de l’avant. Et être résilient, c’est un mot important pour moi.
Propos recueillis pour LE PROGRÈS